« Ce sont des choses qui arrivent. »
Grégoire Bouillier, Rapport sur moi


Mes travaux se déclinent autour des notions de remémoration, de réitération, et de l’expérience du corps pris dans une histoire ou dans un contexte. Ma démarche s’inscrit dans une temporalité longue et je privilégie une approche de l’espace subjective et instinctive. C’est dans une confrontation du corps et d’un lieu, que je cherche dans le paysage ou les archives, des signes relatifs à la mémoire. Ma pratique est traversée par divers courants de l’histoire des arts visuels. Les photographes en errance ont conditionné mon processus de travail, lié à la marche et à l’épuisement du corps (Klavdij Sluban). Puis mes séries ont trouvé leur forme dans le livre, créant des liens entre univers littéraires, plastiques et photographiques (Agnès Geoffray). Enfin, des artistes dont les préoccupations ouvrent de nouvelles perspectives dans mes explorations liées à la performance, au geste et au récit (Grégory Buchert, Till Roeskens, Marc Buchy, Céline Ahond).

Mes projets se sont tout d’abord portés vers des pays à l’histoire particulièrement tourmentée. Ces traversées au long cours m’ont amené à enquêter sur des lieux habités par une mémoire collective (La furtive) puis, plus tard, sur une mémoire liée à un traumatisme (Ce qui se repose). Revenir sur les lieux, épuiser un paysage (Jean-Luc Moulène) et regarder comme quelqu'un « qui tente de s'approcher de son propre passé enseveli doit le faire comme un homme qui fouille » (Walter Benjamin). Pour chacune de mes investigations, j’utilise un dispositif particulier, qui me permet d’aborder la question de la présence/absence du corps. Cette question devient centrale dans mes projets, que je mène seul ou en duo.

Ma pratique de la photographie a été bousculée par le fait d'intégrer un atelier, de côtoyer et de collaborer avec des plasticiens. D'être à la portée d'autres artistes m'a permis de questionner la mise en espace et l'occupation de mes œuvres dans un lieu donné. Ce côtoiement a déplacé mes expérimentations, pour me faire dire que « la photographie n’est pas une fin en soi » (Valérie Jouve). Ainsi, je privilégie d’autres médiums, toujours plus en lien avec le corps, comme la performance, la vidéo ou encore l'écriture, pour façonner des récits. Non pas que la photographie s'éloigne, mais elle devient support à des formes nouvelles.

Me questionnement passe aussi par la présentation de mes travaux : la constitution d’un corpus d’images en constante évolution et qui est réinterprété, réinterrogé, en fonction d’un espace d’exposition spécifique (Glissé amoureux) ; la fabrication des cadres dans un bois particulier, rendant les « objets-photographiques » uniques et indissociables (Glissé amoureux et Ce qui se repose) ; la présentation sous forme de conférence performée où les photographies projetées servent de décor au récit (Nos châteaux en Écosse).

En 2023, je poursuis mes recherches avec Point de chute, projet qui prend pour point de départ les performance de Bas Jan Ader, dont deux (Fall 1 et Fall 2) cristallisent les chutes de mon grand-père puis celle de ma mère, tous deux mort en tombant. Je mêle installation, recueil de textes et images, accordant une grande part au hasard et aux coïncidences, pour fabriquer un récit fantasmagorique.